mardi 7 avril 2015

Critique: Barbie Super Princesse

Après l'introduction, voici la critique des films au cas par cas.

J'aurais voulu commencer ma chronique des films Barbie du pire au meilleur mais celui -ci vient de sortir, et je l'ai placé en quatrième position. Donc c'est un bon? Et oui.



Entre autres à cause du thème. Durant sa longue histoire (56 ans cette année) Barbie prêtait parfois sa plastique à plusieurs super-héroïnes. (voire super-vilaines!)





















Mais n'en avait jamais été une elle-même, avant. Bonne idée: entre les super-héroïnes "classiques" qui sont là désormais pour que les jeunes hommes se rincent l'œil et les petits garçons tous fans de Spider-man, les fillettes avaient de quoi se sentir sous-représentées.

Et chaque fois que vous affirmez que les filles ne s'intéressent pas aux super-héros, vous tuez un bébé phoque! C'est vrai, regardez...


En lisant le titre original "Barbie in Princess Power», il y a deux ans, j'ai vu littéralement She-ra, et cela me semblait particulièrement intéressant.


Alias la super-héroïne des années 80 animées, qui se trouvait être aussi la princesse Adora.

A moins qu'il s'agisse d'une équipe à la Power rangers? Finalement j'ai vu juste avec l'exploitation du thème super-héroïque.

Le concept semble avoir été pondu avant tout scénario, comme à chaque fois. Mais  là, ça se remarque particulièrement avec la série de courts-métrages Be Super. Ils ont un style "comics" visuellement, et Super Paillette (Super Sparkle en VO, ça veut dire étincelle ou éclat), la super-héroïne, a Barbie pour identité secrète.




Mais cette approche n'a pas été conservée pour le film.

Les employés du marketing  avaient pondu des images de chat, de chien, de grenouille super-héros,





et Teresa (l'amie  brune de Barbie) qui semble devenir une héroïne elle aussi avec le plein concours du papillon responsable de la métamorphose...




Ah et Ken aussi avait un costume de héros...



sans oublier deux fillettes et deux autres jeunes filles aux costumes héroïques (et à ailes de papillon).

Bref les scénaristes ont compris qu’ils ne pourraient pas faire rentrer tout ce petit monde dans le film, et tant pis pour la marchandise  qui part en tous sens.

Finalement seuls le chien et le chat appartiennent au personnage de Barbie, la grenouille, Bruce, est mâle et le familier du méchant (rien à voir avec la charmante reinette à longs cils de la ligne de jouets), le personnage de Teresa devient cousine de l'héroïne, les fillettes ses petites sœurs et les deux filles aux costumes d'acolytes deux amies utiles pour leurs talents d'inventrices.


 Au royaume de Windemere, la princesse Kara est une casse-cou. Ça tombe bien, elle est entourée au quotidien des jumelles Makayla et Madison, dont on ne connait pas bien la fonction officielle (dames de compagnie à la base, peut-être?). Mais elles transcendent celle -ci en passant leur temps à bricoler; leur dernière géniale invention est un croisement entre le jet -pack et le planeur individuel que Kara s'empresse d'essayer.


 Elle cherche à repérer l'endroit idéal où créer un potager partagé; ce concept écolo existe réellement dans certaines villes pour les citoyens sans jardin qui désirent manger des légumes bio.



Mais hélas Kara s'emmêle les pinceaux dans les commandes et fait un atterrissage  forcé devant ses parents . Ceux-ci sont du style anxieux (la reine a déjà interdit à sa fille de couper un ruban d'inauguration récemment de crainte qu'elle ne se blesse!).



Et Kara se voit formellement interdite de réessayer le jet-pack.  Ou de chercher à créer un jardin potager d'ailleurs: ses parents estiment qu'agiter la main lors des cérémonies officielles  devrait suffire. Mais la pauvre princesse Kara, elle, aimerait tant transcender son état de naissance et faire quelque chose de réellement utile.


L'occasion en viendra plus vite qu'elle ne le pense. La baron Von Ravendale est l'homme à tout faire du roi et de la reine, mais il sait que ses ancêtres ont perdu (à pierre- papier- ciseaux, paraît-il...) le royaume de Windemere face  à la famille régnante actuelle. Pour le reconquérir, plutôt que de lever une armée, il pense recourir à la magie et à la préparation d'une potion magique de pouvoir (comme celle d'Astérix mais permanente et avec le pouvoir du vol en prime). Problème, Bruce, la grenouille de compagnie du baron, fait tomber la précieuse fiole dans les égouts après une interminable chute façon dominos.


Une chenille entre en contact avec le liquide, mue et devient un magnifique papillon magique. Puis il vient voler près de Kara et de sa cousine Corinne au sale caractère qui, n'aimant pas les animaux, essaie d'écraser la pauvre bête, mais Kara s’interpose. Par gratitude, le papillon l'embrasse sur la joue et Kara se sent étrange.



Après une journée et une nuit à dormir, elle s'en va chercher son chat, Parker, coincé dans un arbre, tombe... et flotte. Kara sait voler.  Elle parvient même à voler fort haut et revenir sur terre.



Makayla et Madison sont accidentellement témoins du phénomène. Qu'arrive-t-il à Kara? Les deux sœurs ont déjà prouvé qu'elles étaient des geeks via leur talent pour les gadgets et leurs habits ou cheveux colorés. Mais en prime elles sont expertes en super-héros et devinent assez vite que Kara a hérité en plus du vol une force herculéenne, une agilité surhumaine et la capacité à tirer des boules d'énergie avec les mains.



Kara ravie voudrait utiliser ces pouvoirs pour enfin lancer son fameux jardin...Mais ses parents risquent de lui défendre de sortir sitôt qu'ils la reconnaitront. Bien sûr, Makayla et Madison suggèrent de fabriquer un costume d'héroïne pour "Super Paillette".




Kara ainsi déguisée s'envole, remarque puis empêche un accident sur un chantier. Le blogueur Wes Rivers (Ken)  la photographie puis s'empresse de faire du nouveau phénomène la une de son site.


Super Paillette en oublie ses projets de potager, mais on le comprend: ses pouvoirs sont plus utiles pour rattraper les gens qui tombent-ou les voleurs. Makayla et Madison transforment même sa chambre en repaire secret à volonté-digne de la Bat-cave. Le jour de son anniversaire, Kara reçoit aussi de leur part une bague émetteur la prévenant des dangers. Sa présence sur le blog de Rivers -et en ligne en général- s'intensifie; Gabby et Zooey, les petites sœurs de Kara, deviennent même fans.



Tandis que même le roi et la reine se réjouissent de la présence d'une super-héroïne si courageuse.
Seule Corinne la déteste, n'aimant pas être dans l'ombre de qui que ce soit en général- elle semble complexée par le fait qu'elle est elle -même une princesse non-héritière, rapport à Kara.


Jusqu'au jour où Corinne surprend la métamorphose de sa parente et réalise qu'elle est Super Paillette. Que faire de cette information? La crier sur les toits? Non: Corinne se confie d'abord à Makayla et Madison qui sont déjà au courant, mais surtout laissent imprudemment échapper que le papillon était derrière tout ça.



Corinne traque l'insecte et l'embrasse de force avant de l’enfermer.
Le résultat ne se fait pas attendre: le lendemain, Super Paillette stupéfaite tombe nez à nez avec Super Étoile (Dark Sparkle en VO).


 Elles vont vite se retrouver sur les mêmes lieux de catastrophes et tenter de se voler mutuellement la vedette.  En cette occasion, il apparaît que Kara aimait autant la lumière des projecteurs que se rendre utile; il suffit de voir son agacement  quand la petite princesse Zooey se met à préférer Super Étoile...

Comble de malchance, Kara égare sa fameuse bague sur les lieux d'un braquage de banque, et avait l'imprudence de la porter sous son identité civile aussi, en sorte que lorsque Wes Rivers trouve le bijou par terre, il n'a qu'à comparer les photos des mains de Super Paillette et de la princesse Kara, prise à son anniversaire...puis il s'empresse d'en faire sa une.

Oubliée, l'utilité d'une super-héroïne courageuse: les parents de Kara lui interdisent aussitôt de renouveler ses exploits quand ils apprennent son identité secrète-hypocrisie, quand tu nous tiens...




Corinne se réjouit, un peu vite peut-être, d'avoir le champ libre, car pendant ce temps le baron Von Ravendale n'a pas chômé. Sa nouvelle potion de pouvoir  est bientôt au point...


Personnages:


Kara:



En dépit des apparences, un personnage de Barbie qui n'est pas parfait, et ne se satisfait pas de sa condition de princesse. La fonction est ici présentée sous son jour contraignant, empêchant la prise d'initiative. Cherchant à aplanir les difficultés que son peuple pourrait rencontrer, Kara deviendra leur sauveur.  Mais le succès lui enflera quelque peu les chevilles, on s'en rend compte à sa compétition acharnée avec Super Étoile. Tout ce qu'elle souhaite au fond, c'est démontrer à ses parents qu'elle sait faire les choses par elle-même, et sera momentanément tentée de révéler son identité secrète en apprenant que ces derniers l'admirent.

Corinne: (Teresa)


Plus complexe qu'il n'y paraît. D’abord peste stéréotypée puis rivale typique, Corinne n'est pas, en dépit de son qualificatif de "Sombre Paillette" en VO, une vilaine pure et simple. Elle refuse l'offre de "régner ensemble" du Baron Von Ravendale car elle n'ignore pas que les méchants perdent toujours...Et opère un changement à 180°, se montrant alliée de sa cousine quand la situation l'exige. Bref, une super-héroïne en prime du personnage principal, toujours ça de pris.

Baron Von Ravendale:


 Bon, une fois n'est pas coutume, il a une bonne raison de vouloir le pouvoir (puisqu'il en estime sa famille spoliée). Est-il le super-vilain qu'on est en droit d'attendre? Physiquement pas de problème...Pour le reste, il lance l'intrigue en fabriquant la potion mais doit passer une grande partie du film à chercher les ingrédients pour la refaire et ne fait plus progresser le scénario à ce moment -là. Par conséquent, il ne se montre à sa pleine puissance et n'est réellement dangereux qu'à la fin mais la scène est grandiose.

Wes Rivers: (Ken)






Depuis quelques années et contrairement aux films Barbie du début des années 2000, les rôles de Ken se sont réduits à la portion congrue, n'apparaissant plus en caméo que pour faire un sourire de beau gosse. Wes constitue une exception; il est probable qu'il soit un love interest (étant donné son admiration pour Super Paillette). Avant tout, il est la personne qui permettra que le monde connaisse l'existence de cette dernière en faisant sa promo. Mais il révèle aussi bien imprudemment l'identité de l'héroïne...En cela, ce personnage prend un relief inattendu (sa seule punition cependant sera de devoir aider à planter le fameux jardin partagé à la fin).


Makayla et Madison:



Ces jumelles sont peut-être des dames d'honneur, mais elles sont avant tout des amies de Kara et lui serviront à la fois d'Alfred et d'agent Q , lui fournissant tous les gadgets dont elle pourrait avoir besoin. Détail intéressant, les deux filles paraissent être des nerds (mais dépeintes sous un jour positif) donc. Pour commencer, ce sont des scientifiques, et mêmes des inventrices de génie (pour le jet-pack et la bague à hologramme notamment). Oui, les filles peuvent faire ça aussi...Mais ce n'est pas tout. Elles sont expertes en super-héros, devinant très vite  ce qui est arrivé à Kara et comment, et affirmant à cette dernière qu'il existe un "code des super-héros" qu'on ne peut transgresser. Bref elles ont l'air d'être fans (Madison affirme même que les araignées radioactives sont ses bestioles préférées, suggérant une affection particulière pour Spider-man) . Ajoutez leur look coloré en permanence, (y compris les cheveux) plutôt à part dans un palais royal, voire le fait qu'elles cosplayaient (leurs costumes avec masques et ailes de papillon).



Le roi et la reine:

Archétypes des parents surprotecteurs et inquiets, ils ne supportent pas l'idée que leur fille puisse prendre un quelconque risque...Y compris après qu'elle aie acquis ses pouvoirs. Les convaincre de la laisser se frotter au monde et de lui faire confiance sera l'un des challenges du film.




Et la morale dans tout ceci? Et bien c'est à mon avis l'un des défauts majeurs: Kara abandonne apparemment son idée de potager commun après avoir acquis ses pouvoirs et sert plutôt la cause commune en combattant crimes et catastrophes naturelles. Pourquoi pas: à nouvelles capacités, nouvelles responsabilités.


Sauf que...la scène finale la montre bel et bien mettre au point son jardin alors que Kara n'a pas perdu ses pouvoirs. La fin se situant là, on n’en saura pas plus, mais si Kara ne fait plus rien d'autre d'héroïque que de s'occuper du potager pour se flageller de son péché d’orgueil, c'est un peu excessif (moins excessif que dans Barbie et le Palais de diamant, où le refus de récompense et de changement de vie des deux héroïnes prenait des proportions absurdes, mais quand même). On espère donc que Super Paillette se souviendra qu'elle peut, aussi, toujours arrêter les criminels et stopper les accidents.

 Gâchis de talents, voilà ce que ce serait. Pas besoin d'aller si loin pour nous rappeler que l’orgueil et la compétition "C'est moi le meilleur", c'est mal. Cette grosse tête momentanée fait même partie des éléments qui font que Kara n'est pas parfaite et c'est tant mieux.  Ça fait aussi très: "Hé, en fait, les super pouvoirs ça n'existe pas alors tout qui vous reste en vrai ce sont les projets communs à échelle humaine!" Une moralité à subtilité d’enclume...

Les scénaristes semblent aussi avoir éprouvé des difficultés à faire rentrer tous les costumes du merchandising dans le film mais s'en sortent relativement bien. Les trois animaux de compagnie acquerront eux aussi des pouvoirs vers la fin, (ayant trouvé le papillon prisonnier dans la chambre de Corinne) devenant des acolytes qui faciliteront les choses pour les héroïnes ou le méchant, c'est selon, dans le combat final.

On peut s'étonner que Gabby et Zooey se baladent en permanence en trottinette et avec les  casques de rigueur  (pas d'étiquette dans ce royaume?), heureusement leurs vêtements façon "sideckicks" sont expliqués in-universe comme des déguisements mis par admiration pour Super Paillette à la fête d'anniversaire de Kara.



Barbie-Kara a besoin d'une jupe longue qui se transformera facilement en cape une fois la poupée passée en mode héroïque?



 Pas de problème, ce sera sa robe de bal pour ledit anniversaire qui décidément tombe bien: il est prétexte, pour Makayla et Madison, d'enfiler elles aussi des costumes super-héroïques, avec masques et ailes de papillons intégrées (toujours ce motif) . Bien que la soirée ne soit pas costumée comme on leur en fait la remarque: les déguisements sont un peu forcés mais si les jeunes princesses ont pu le faire, pourquoi pas elles? Cela renforce leur statut de geeks, préférant porter un cosplay plutôt qu'une robe longue à une fête.



Par contre, pour Ken, c'est raté, son costume héroïque s'insérera dans l'habituel bêtisier final, alors qu'il y a une urgence de "pénurie de barbe à papa". Wes affirme que "Wonder Wes" est à la rescousse...et son costume tombe car c'est en fait une silhouette en carton! Ce n'est pas plus mal que Ken/Wes n'aie pas de pouvoirs pour finir (ça faisait quand même beaucoup de gens), mais sa poupée basée juste sur ce petit gag, ça paraît exagéré.



Beaucoup de fans ont aussi vu un défaut majeur dans le fait que le design soit plus cartoony et Barbie plus "osseuse" que d'habitude, mais ça colle bien à l'esthétique des comics de mon point de vue.

En revanche, cet étrange motif de brisure (qu'on retrouve partout y compris dans la tiare et le collier de Kara) m'a semblé bien moins joli.



Vue la sur-exposition des films de super-héros dernièrement, et l'attention attirée sur eux, la proportion de super-héroïnes ne reste pas moins basse en comparaison...Bien peu semblent faites pour attirer les filles (hétéros, j'entends) de toute façon. Fut un temps, les comics (dont le nom signifie littéralement "comique"!) étaient exclusivement pour les enfants-à commencer par les super-héros (je sais, très dur à croire aujourd'hui), c'était l'âge d'or, ou les années 1940. Mieux, certains  étaient spécifiquement pour les petites filles.

Oui, oui, spécifiquement prévue pour les fillettes -et icône féministe- à sa création! Même si c'était déjà une icône du bondage aussi...


La ligne avortée de Wonder Woman and the Stars Riders (sponsorisée d'ailleurs par Mattel) aurait été, en 1992, le dernier média sur le sujet à s'adresser spécifiquement aux enfants.


Mais des super-héroïnes, à mesure du gain en maturité des comics (âge de bronze, puis moderne, depuis les années 1970), furent  crées spécifiquement pour le "fan service" des lecteurs masculins et pas du tout pour l'identification des femmes.


Il s'agit par exemple de Vampirella, d'Avengelyne, de Lady Rawhide (qui évolue dans l'univers de Zorro), de Lady Death (celle de Boundless comics dont elle est d'ailleurs le seul titre), des héroïnes de contes revues et corrigées par Zenescope dans les Grimm Fairy Tales... (et je ne montre que leurs portraits bande de galopins, car il pourrait y avoir des enfants par ici!)






"Voulez-vous lire un comics qui n'est pas juste pour les petits garçons?" (Problème, à l'époque-1994- les comics n'étaient plus du tout pour petits garçons depuis près de 10 ans!)




















Elles ont en commun des corps impossibles (énorme poitrine+ taille étroite), des costumes minimalistes (qu'il pleuve, neige ou vente),  des déchirures fréquentes dans lesdits costumes, des poses invraisemblables et suggestives qui bien souvent défient l'anatomie et la gravité, des cadrages gratuits nous montrent à la fois (voir "pose invraisemblable") la poitrine et les fesses. Ces femmes sont souvent "surprises" sous la douche ou en train de s'habiller sans que cela ne change l'intrigue, leurs combats avec des hommes ressemblent à des viols (voire ils se finissent réellement en viols!) et ceux avec des femmes à des scènes d'amour lesbien, et  pour finir ces héroïnes connaissent moult aventures amoureuses et coucheries. (bisexuelles, selon qu'on recherche l'identification ou la titillation.) Bref: ce sont des fantasmes.


En dépit des apparences: non, Lady Rawhide n'est pas en train de danser ou d'avoir des préliminaires avec la femme amérindienne, mais se bat avec elle...il paraît.



Mais après tout elles sont faites pour cela me direz-vous. Le souci, c'est que les héroïnes plus "mainstream" elles aussi ne sont plus vues que sous cet angle aujourd'hui... y compris celles qui étaient à la base faites pour les petites filles et étaient des modèles pour ces dernières.





Et soudain Wonder Woman ne semble plus faite pour les fillettes...

 L'inverse (une séductrice du spectateur transformée en icône féministe par glissement sémantique) n'a été observé que beaucoup plus rarement, comme pour Lara Croft, une fois sa monstrueuse poitrine réduite.




Mais Super Paillette, (et Super Étoile) comme les Super Nanas ou She-ra, est là pour l'identification des fillettes.



 Par conséquent: costume couvrant normalement (pas de décolleté plongeant ou de string) et qui ne sera pas déchiré, héroïne qui est là pour se battre et pas pour prendre des poses avantageuses, pas de dépendance à un personnage masculin (c'est même plutôt l'inverse!). Et c'est un vrai bonheur que de voir, sans l'aide de personne, Super Paillette sauver les gens d'un incendie ou attraper des braqueurs.


Au cinéma, en effet (et même dans les comics, actuellement), les héroïnes ont tendance à être la "Stroumphette" unique d'un groupe par ailleurs masculin, (du type la Veuve Noire et les Avengers) menant promptement au jugement auquel on a droit dans tous les milieux professionnels: que ce sont les hommes font tout le boulot de toute façon. (Björk en faisait la remarque récemment: oui oui, c'est elle et non ses collaborateurs masculins, qui écrit ses chansons!)

 Les dessins animés parodiques "Bad days" mettaient d'ailleurs en avant ce phénomène, l'épisode de Wonder Woman (le seul consacré à un personnage féminin, soit dit en passant) montrait les exploits de cette dernière tous attribués à l'Archer Vert juste parce que celui-ci se pointait tout à la fin.



Je tiens à attirer l'attention sur la rareté de ce phénomène: une super-héroïne ayant un film centré rien que sur elle. Si cela s'est vu à l'international (Darna, super héroïne philippine, en est à son 14ème film depuis 1951 ! ),



pour l'Amérique c'est une autre paire de manches...Et c'est dommage vu que le concept est né là-bas. A ce jour n'existent que cinq films américains avec une héroïne dans le rôle-titre: Supergirl, Elektra, Catwoman, et en étendant le concept (issues de comics) Tank girl et Barb Wire. Hélas ce furent tous des fours, et, excepté Supergirl, de gros navets.









De même, un titre de comics centré sur une super-héroïne (ou vilaine)  féminine tend à être plus l'exception que la règle. Wonder Woman, (la seule aussi qui aie son propre titre depuis le début) Spider-woman, Mrs Marvel et Supergirl sont à peu près les seules exceptions permanentes, Les anges de la nuit et Les sirènes de Gotham ont eu une publication en pointillé, les autres n'ont qu’occasionnellement fait cavalier seul (Psylocke, Storm, Batgirl, Catwoman, La veuve noire, Mary Marvel....). Sinon, toutes les autres super-héroïnes sont dans le titre de leur mari/frère/père (Black Canary dans L'Archer Vert, Star Sapphire dans La Lanterne Verte) ou dans un groupe d'autres héros (Jean Grey dans les X-men, Vixen dans La Ligue des Justiciers). Jusqu'à une date récente, pas une n'avait de série d'animation pour elle seule!

Étonnamment, Vixen jusqu'ici cantonnée à être un faire-valoir dans la Ligue des justiciers va obtenir cet honneur avant même Wonder Woman.


Autant dire que cela fait de ce film d'animation une rareté (puisqu'en fait il y en a deux dedans).



Surtout des héroïnes qui sont habillées de pied en cap, pour l'identification de fillettes, et non pour séduire leurs grands frères.



Autre nouveauté, ce film doit être le plus comique parmi les Barbie (avec La porte secrète). La preuve? Auparavant ça arrivait au personnage de Barbie de trébucher à l'occasion voire de faire tomber certaines choses (Apprentie princesse). Mais là, la pauvre Kara tombe et se cogne régulièrement à la tête, même si le fait qu'elle s'exclame "Aie!" est surprenant après l'acquisition de ses pouvoirs, qui doivent comprendre l'invulnérabilité, sinon comment expliquer ce coup de poing de Super Paillette qui fait tomber le haut d'un volcan sans qu'elle se casse la main?


Je déplore, en revanche, l'utilisation du sempiternel humour slapstick ("tarte à la crème")  pour faire rire les enfants, et reposant sur les animaux (l'interminable chute du flacon de potion dans les égouts façon Dominos Day, notamment). Une chance que contrairement aux années 2000, aucun acolyte animalier ne parle.

Dans la catégorie point forts, le film est heureusement une fois de plus excellent dans la catégorie "chansons". The coolest thing ever et Super hero beat se révèlent diaboliquement entraînantes.






Mais surtout, Soaring (littéralement "planer") est une fort belle balade se terminant sur "J'ai toujours su que je pouvais voler!", aussi jolie au plan littéral que métaphorique ...






Je tiens enfin à surligner l'exploit du film de réussir à compresser tout à la fois, en une heure et demie, l'histoire d'origine d'un super-héros, ses premiers exploits, l'apparition d'un rival, puis d'un super vilain et l'affrontement final dantesque. Sans oublier l'aveu de l'identité secrète à des proches et le conflit qui s'ensuit, même si ici la révélation se fait aux parents plutôt qu'au love interest (la raison étant le jeune âge à la fois de Kara et des spectatrices.) Rien ne semble précipité ici, alors que pour caser tout cela, les autres franchises de super héros ont besoin d'une trilogie complète.


 Une famille qui pourrait être n'importe laquelle, bien que royale. (la scène de dîner prouve qu'ils ne font guère dans le respect de l'étiquette de toute façon). Remplacez le mot château par maison, et le dialogue selon lequel la mère du roi risque de débarquer pour cause de travaux est une situation bien commune.



L’inspiration ne se borne pas au genre super-héroïque, tout court. Super Paillette rend hommage à moult collègues, répertoriés ici.

-Univers  Superman  : Kara est très proche de la cousine du premier super-héros moderne répertorié.


 Son nom héroïque commence par le qualificatif « Super » comme Supergirl. Mieux encore, les noms civils (réel, concernant Supergirl) sont identiques, puisqu’il s’agit de Kara dans les deux cas. C’est elle aussi une jolie blonde aux yeux bleus cumulant l’envol, la force, la vitesse, la rapidité et visiblement l’invulnérabilité.

 En revanche comme Kara peut le constater à la fin, elle n’a pas hérité du souffle arctique !

Heureusement que Super Paillette sait, elle, que lorsqu’on porte une jupe et qu’on vole, il faut porter un collant opaque !

Il ne faudrait pas que la ville entière se rince l’œil en levant la tête.

  Un autre personnage partageant ses pouvoirs surgit dans la vie de Kara, et c’est sa cousine. Enfin, il y a le baron Von Ravendale : la barbe, le ressentiment envers le père du personnage principal,et le fait de créer des difficultés aux héroïnes en ayant les mêmes pouvoirs qu’elles…Ça rappelle le général Zod, pas vrai ?

"A genoux!"















Et puis le chien et le chat qui deviennent aussi héros : dans les années 1960, la légion des super-animaux étaient des bêtes de compagnie aux mêmes pouvoir que Superman : Krypto, Streaky, Comète et Beppo, respectivement chien, chat, cheval et singe.




En outre, quand Makayla et Madison cherchent l’origine des pouvoirs de Kara, elles précisent que ceux –ci sont souvent lié à du sang extraterrestre, mais que Kara elle-même vient à coup sûr de Windemere.


Enfin, rappelez-vous du premier film de Superman (1978) : Rattrapant Lois Lane tombée d'un hélicoptère, Superman disait: "Je vous tiens!" à quoi Lois (qui le voyait pour la première fois) répondait: "Et vous, qui vous tient?"



 Quand Super Paillette sauve un ouvrier de chantier, elle lui dit la même chose...Et la réponse de l'intéressé est identique!



-Univers  Capitaine Marvel  : Capitaine Marvel est un enfant qui se transforme en adulte invincible en criant « Shazam » !




Sa sœur jumelle Mary partage cette particularité. Tous deux ont pour symbole un éclair (le même que Super Paillette a au cou et sur sa ceinture), et Mary Marvel porte une mini-robe semblable à celle de Super Paillette.




-Univers Spider-man : Kara elle aussi est adolescente et acquiert ses pouvoirs par accident. En fait, « être embrassée par un papillon magique » ressemble à la version girly de « être mordu par une araignée radioactive ».



C’est même dit dans le dialogue : Makayla et Madison se demandent si Kara n’aurait pas effectivement été mordue par une araignée. Aussitôt après le contact avec le papillon, Kara expérimente un malaise des sens et dort presque une journée, comme Tobey Maguire fraîchement mordu dans le premier film Spider-man de Sam Raimi.


 Au réveil, elle vérifie si elle possède des pouvoirs supplémentaires…. En faisant le fameux geste « lance-toile ».



On peut se demander aussi si le nom de son chat, Parker, est totalement fortuit? (le nom du chien est Newton, mais là c'est peut-être juste pour surligner qu'il fréquente des geeks.)


"Vous voulez dire comme quand moi j'appelle mon chien Copernic ou Einstein? Nom d'Zeus!"




Et aussi :

-Mrs Marvel (ou Capitaine Marvel, elle aussi) : Cette héroïne Marvel  est « le plus puissant héros de la terre » car invulnérable et volant avec une force herculéenne. Mais de plus, elle tire des boules d’énergie avec les mains, comme Kara.





-Kara est une princesse et porte des bracelets comme Wonder Woman même si les siens sont décoratifs.


-Makayla et Madison transforment la chambre de Kara en équivalent de la Bat-cave et sont comme Alfred les gardiennes de son secret. Et la grenouille s'appelle-t-elle Bruce par hasard? (Quoiqu'il y a peut-être un lien avec Hulk)




-Comme l'indique son nom VO "Dark Sparkle", Super Étoile a été conçue comme l'opposé de l'héroïne, sachant faire les mêmes choses qu'elle. Cela la fait ressembler à tous ces super-vilains "inversés"  tels que le professeur Zoom (Flash), Black Adam (Capitaine Marvel) ou Venom (Spider-man). Toutefois à la différence de ceux-ci, Super Étoile finira comme alliée de sa cousine.




-Et enfin, il y a Wes/Ken. Il a la particularité de ressembler à plusieurs personnages différents, notamment Lois Lane, Iris West et Linda Park,




 les love interest civiles de respectivement Superman, Flash et Kid Flash. Wes est en quelque sorte une version mâle, mais il rappelle également Clark Kent sans pouvoirs ou Peter Parker pré-transformation: il porte des lunettes comme ces deux là, mais aussi, il est journaliste comme tous les personnages précités.


(même Vicky Vale, personnage aujourd'hui abandonné de l'âge d'or, dans Batman, était aussi une love interest civile et journaliste, un genre très répandu).


Du coup, on le retrouve souvent en premier sur les lieux des exploits de la super-héroïne qui le fascine comme tous les précités. Sans oublier le talent pour la photographie comme Peter.




Une partie sadique de moi l'aurait bien vu  se faire remonter les bretelles par un rédacteur en chef irascible façon Perry White ou Jonah.J. Jameson mais Wes, signe des temps, est un blogeur et donc son propre rédacteur. Ce qui fait de lui-en quelque sorte- un Jonah Jameson aussi quand il trahit involontairement l'identité de Super Sparkle! Un rôle décidément très complet.

Plus généralement, le fait que Kara aie pour commencer sauvé un chat coincé dans un arbre:  C'est un classique du super-héroïsme, en tout cas dans un sens parodique, pour monter la gentillesse excessive de nos héros.

Mr Indestructible au début du film, tout en arrêtant des braqueurs....
Kick-ass, qui rate -et insulte- le chat.


Celui qui est en réalité un clone de Superman reproche  à la propriétaire du chat de lui faire perdre son temps dans le film Doomsday...
...Et sous influence de la kryptonite rouge met lui-même l'animal dans l'arbre (Batman: L'alliance des héros)! Heureusement qu'il en sauvait un sans problème dans le premier film de 1978....

Enfin, vous trouvez ridicule de la part de l'entourage ne pas reconnaître un héros qui ne porte qu'une paire de lunettes dans le civil ou un petit masque loup en tant que super-héros? C'est vrai en quelque sorte...Mais cette particularité bénéficie d'une "clause du grand-père", c'est improbable, mais l'histoire fonctionne de la sorte.

"Tu es la Lanterne verte!" "Non. Salut." (mais la perspicacité reste rare.)


Nul ne reconnait Kara avec un petit masque et quelques mèches colorées, et pour Corinne, c'est pire puisque seul le masque est un changement chez elle, contrairement aux illustrations de la marchandise.

"Comment! Tu es Super Étoile!" (Oui, l'apprendre la surprend  à ce point) "En même temps la coiffure, le chouchou, le serre-tête et la voix identiques auraient dû me mettre sur la piste..." (bon, ça c'est moi qui le dit)

Manquent même ses mèches pourpres mais on peut invoquer les limites de l'animation.

La série de courts  Be super  mérite à elle seule qu’on s’y attarde aussi. D’abord par leur esthétique : il s’agit sans le moindre doute de  « comics animés », ou motion comics (vous savez, comme les dessins animés des années 1960 où ça bougeait à peine).





Ajoutons-y les énormes onomatopées et l’hommage au support d’origine devient évident.




Dans ces courts, c’est Barbie en personne qui est Super Paillette. On la voit parfois sauver la situation elle-même (et combattre des super-vilains tels qu’une géante, des jumeaux extraterrestres, un homme qui maîtrise les vents, un tas d’argile ou de lave…) mais le plus souvent elle résout des situations plutôt banales (retrouver un bracelet, apporter de quoi faire de la limonade) pour son entourage.



Hum, un peu  Age d’argent tout ça ? (les années 1950-1960)

En ce temps là les héros faisaient du sport, mais combattre le crime? Faut pas pousser.

Dans cette incarnation, Super Paillette a vraiment tous les pouvoirs de Supergirl: les tirs d'énergie sont encore là mais on lui a ajouté la vision à travers les murs, les yeux laser et le souffle arctique.




A défaut de kryptonite, ses pouvoirs disparaissent pendant les éclipses solaires or les membres de la "Superman family" ont besoin d'un soleil jaune pour que leurs pouvoirs se développent.



Enfin un épisode la montre arrêtant le temps en stoppant  la rotation de la Terre,



 et dans un autre, elle remonte le temps en inversant la rotation de la planète.


 Voilà qui vous rappelle sûrement le premier film de Superman (1978), puisque vers la fin l'homme d'acier inversait similairement le cours du temps.


A noter qu'en réalité, la grande vitesse permet de créer un "trou de ver" dans l'espace-temps et de tomber dans un autre point de celui-ci (Flash en est également capable).  Pour l'effet visuel, Superman fut cependant montré volant autour de la planète comme s'il inversait sa rotation même si, bien sûr, la physique ne permettrait alors pas ce résultat.

Super Paillette  incite régulièrement  son entourage à se sauver lui-même . (il existe même un épisode où elle s’interdit d’user de ses pouvoirs, ou un autre où ils disparaissent et les filles normales doivent faire le boulot)


On devine une fois de plus la morale : « En fait les super-pouvoirs ça n’existe pas alors c’est vous les héros, blabla. » Toutefois, avoir un modèle tel que Super Paillette, ça aide.






...Qu'elles ne laissent plus dire qu'une fille ne fait pas un bon super-héros.