mercredi 11 février 2015

4) Ce qu'il ne faut pas mettre dans une histoire d'amour: "Je te croyais mort(e), tout est donc fini entre nous"




"...Et pourtant ça se passait bien!" Phrase étrange? Une explication s'impose. Ce trope est relativement rare, mais, chaque fois que je l'ai croisé, il m'a hérissée tout particulièrement.


 (Suite de ce qu'il ne faut pas mettre dans une histoire d'amour

(note: j'use du terme anglais love interest, plus clair et concis que "intérêt amoureux"  ou "sujet d'amour" en français et qui désigne la personne sur qui le/la héros/ïne a des vues. Quant à un trope, c'est un modèle dans une histoire ou un trait caractéristique chez un personnage, qui apporte de l'information au public. Un trope devient un cliché quand il est trop utilisé, selon la définition d'Anita Sarkeesian dans The feminist frequency.)

Suite et fin de cette série spéciale Saint Valentin pour cette année.





Prenons en exemple la situation initiale d'un soldat marié, et obligé de partir à la guerre. Il participe à une bataille meurtrière perdue par sa patrie et fait partie des innombrables disparus. Du coup, après le délai légal de généralement six mois on le déclare officiellement mort. Sa veuve se remarie après un temps plus ou moins long, et tout en ignorant qu'elle n'est pas réellement veuve. L'époux est soit comateux, soit amnésique suite à ses blessures (et dans les deux cas est à l'hôpital sous le nom de John Doe car personne ne l'a reconnu) ou encore fait prisonnier par l'ennemi sans pouvoir communiquer avec l'extérieur.
Vient le jour où notre soldat se réveille/recouvre la mémoire/est libéré/s'évade.  Il rentre chez lui, seulement pour trouver sa femme mariée avec un autre.
Ce n'est pas rare, non seulement dans la fiction, mais aussi dans la réalité comme le prouve Le retour de Martin Guerre.



Et à partir de là, entendons nous bien: je ne blâme pas les cas où c'était un mariage arrangé et où les époux ne se sont jamais beaucoup aimés pour commencer. Ou bien, où l'épouse a toujours préféré son second mari dès le départ mais avait dû se marier au premier par pression parentale. Ou encore un cas où elle n'aurait éprouvé que des sentiments s'échelonnant entre l'indifférence et l'amitié pour le premier mari, et serait sincèrement tombée amoureuse du deuxième: tout le monde ferait pareil à sa place. Et puis bien sûr, si l'on est dans un espace temps où les veuves n'avaient aucun appui financier et où il leur fallait être remariée au plus vite pour subsister.

Non, je parle des cas de figure où les époux originaux s'aimaient. Et même pas de ceux où la "veuve" éprouve par conséquent des regrets quand le conjoint original réapparaît.



Dans Seul au monde par exemple, quand Chuck Noland qui a passé quatre ans sur une île déserte suite à un crash d'avion  rentre enfin au pays, il découvre que sa fiancée est mariée avec un bébé.



Elle explique toutefois que c'est dû à la pression des pairs, qu'elle-même a toujours eu l'intuition que Chuck était vivant, et elle repartirait visiblement bien comme en 14 si Chuck ne lui conseillait pas  de ne pas détruire sa nouvelle vie de famille à cause de lui.  Non là...ancienne vie harmonieuse, donc remords, c'est normal.


Ce qui ne l'est pas, c'est ce cas de figure: le soldat et sa femme s'aimaient donc sincèrement, c'était prouvé à longueur de dialogue. Du style: "Que deviendrais-je seul(e)" "Personne d'autre que toi" , etc.

Le soldat disparaît et sa femme éprouve un chagrin qui nous est parfois montré atteignant des proportions épiques: non seulement pleurant mais jurant de mourir elle-même, incapable de travailler ou de faire quoi que ce soit d'ailleurs, ne mangeant plus, etc.



Puis surgit le remplaçant à l'époux, que jusqu'alors soit on avait encore jamais vu soit n'était jamais envisagé comme autre chose qu'un ami. Mais peu importe: notre veuve jusqu'ici très éplorée en tombe immédiatement amoureuse et l'épouse le lendemain de la rencontre, ou presque.

Ça se pose déjà là, question réalisme, mais l’ultime clou dans le couvercle du cercueil de l'histoire est l'arrivée du premier mari. Sa "veuve joyeuse", quand elle l'a reconnu, lui réserve un accueil merveilleusement glacial et s'il ose protester, il se verra jeter à la tête le titre de cet article comme seule explication, et fin de l'histoire. Non, vraiment: il part la queue entre les jambes et c'est tout!

Rassurez-moi, je ne suis quand même pas la seule à me sentir horrifiée par ce qu'endure le personnage du soldat? Tout cela n'est pas de sa faute, et en guise de récompense, il perd tout. Sadisme supplémentaire s'il est dans le cas "capturé par l'ennemi" et que la pensée de sa "femme fidèle" est ce qui l'a aidé à tenir dans des conditions de détention souvent horribles. Point malus: s'il s'est échappé pour la rejoindre, au péril de sa vie!

Comment oses tu, vilain, te montrer encore après cela! Car c'est exactement sous ce jour que la situation nous est montrée: en essayant de nous faire totalement prendre le parti du personnage parjure et de son bouche-trou. Et bien sur moi, ça n'a jamais marché: cela fait sembler le personnage remarié(e) affreusement égoïste et injuste, en plus de saper le réalisme. Je veux dire, après tout ce cirque suite au veuvage on s'en remettrait en trois pages ?









Et pourtant j'ai déjà vu ce trope extrêmement caricatural employé avec le plus grand sérieux.
D'abord dans Pocahontas II, la suite en vidéo (1998)



du premier (1995).





 Le premier film ne ressemblait en rien à la réalité historique: en 1607 en  Virginie, une Pocahontas pas très belle de seulement douze ans aurait demandé la vie sauve pour le britannique John Smith d'au moins vingt ans son aîné et déjà marié. Il est plus que probable qu'ils s'entendaient comme père et fille. Quelques années plus tard, le cultivateur britannique John Rolfe kidnappe Pocahontas et l'épouse après l'avoir emmenée en Angleterre (son âge étant il est vrai plus proche du sien). Elle y mourra rapidement, à vingt-deux ans.




La version Disney n'avait en commun que les noms et l'histoire du sauvetage avec la vérité historique car ils avaient décidé d'en faire une sorte de Roméo et Juliette. Jusque là , pourquoi pas: on appelle cela de la dramatisation historique. Conséquemment Pocahontas deviendra plus âgée,sensiblement de la même génération que John Smith, ce dernier devint célibataire, et les deux seront considérablement embellis.




 Loin de cette idéalisation cependant le film a encore la seule fin triste des longs métrages animés de la firme avec un John Smith  blessé forcé de rentrer au Royaume-Uni à la fin.
Mais quand même, d'ici là: que de superbes duos amoureux (dans une scène coupée)


 et de serments tels que "Je serais une flamme dans ton cœur pour toujours." ou que   John Smith  représentait "le droit chemin" pour Pocahontas. Snif, c'est beau...



et puis comme on dit tant qu'il y  a de la vie il y a de l'espoir; entre 1995 et 1998 j'avais toujours été persuadée que dans la continuité selon Disney John Smith reviendrait un jour et que Rolfe n'existait pas.

Ça paraissait si évident que même des studios copieurs qui inondaient à l'époque les magasins de cassettes bon marché avec des animés moches au même sujet que les Disney (des mockbusters) avaient produit une suite à leur propre Pocahontas avec le titre qu'on attendait dans la version officielle "Le retour de John Smith."


Et bien...Pas du tout. Quand Disney pondit sa suite, j'étais surexcitée, sentant venir la happy end de Pocahontas et John Smith. Ce fut l'euphorie quand la cassette fut louée même si lire le nom "John Rolfe" dessus fut bizarre. Mais pas grave: on parlait de Disney là quand même, et de ses héros invariablement monogames. Et puis ce n'était pas comme si ils allaient subitement suivre la réalité historique, non?

En fait oui...et non. Le détournement de la vérité dans le premier (qui était cependant un plaisir) avait créé un tel scandale que les auteurs chez Disney auraient juré de se montrer plus fidèles par la suite selon la rumeur. Ils n'avaient pas à se donner cette peine, parce qu'en fait le second film était toujours très peu fidèle excepté par la présence de John Rolfe. Et en prime, c'est la vérité établie par le premier film qu'il allait violer sévèrement aussi.











John Smith guéri s'apprêtait à retourner en Amérique mais Radcliffe, méchant du premier film bizarrement libéré (alors qu'il rentrait comme prisonnier à la fin du film précédent) le pourchasse jusqu'à le faire tomber d'un toit et Smith est déclaré mort.

On ne nous montre pas le deuil de Pocahontas mais on l'imagine conséquent vu l'emphase sur ses sentiments dans le film précédent. Plusieurs mois après la nouvelle de la mort de John Smith, elle s'embarque sur le bateau (pas kidnappée donc) de John Rolfe (qui n'est même pas cultivateur d'ailleurs) dans un but diplomatique.

Elle se rendra notamment dans un bal de la cour d'Angleterre et passe à deux doigts d'embrasser John Rolfe à celui-ci. Radcliffe, présent, ne manque pas de le lui reprocher: "Il est heureux que John Smith soit déjà mort, dira-t-il, car sinon votre inconstance l'aurait sûrement tué." Et il a... raison! Non seulement le John Smith que je connais en mourrait effectivement mais l'attitude de  Pocahontas n'est guère exemplaire. Seulement comme Radcliffe c'est le méchant, on était censés penser qu'il avait forcément tort. Dans le premier film, il s'était montré en effet particulièrement borné et stupide. Mais là, la mauvaise écriture nous le faisait par cette phrase paraître d'une sagesse de Salomon.

Après une série de malentendus avec le roi d'Angleterre qui l'envoie au cachot, Pocahontas s’échappe de celui-ci avec l'aide de John Rolfe et John Smith , qui était en fait vivant mais vous l'aviez sûrement deviné à ce stade. La scène se déroule ainsi: ils ouvrent la porte, Rolfe se montre le premier, Pocahontas lui saute au cou comme si elle ne l'avait pas vu depuis un an. Vous savez, de la façon dont on avait toujours cru qu'elle accueillerait John Smith  si elle le revoyait. John Smith lui-même se montre ensuite et Pocahontas recule comme en présence d'un fantôme, ce qu'elle a des raisons de croire en cet instant. Mais même après avoir compris que ce n'est pas le cas, elle reste plantée là sans oser le toucher.

Mais que reste-il de l'esprit du premier film à ce stade, de la flamme dans le cœur et tout?  Ils ont à peine le temps de s'expliquer car le trio doit obtenir le pardon pour Pocahontas. Une fois amnistiée, John Smith rejoint celle-ci, et lui propose de l'accompagner dans son tour du monde. Ce qu'elle refuse avec froideur, arguant que "Nos chemins sont devenus différents." Juste parce qu'elle l'a cru mort, bien qu'il ne soit à priori pas devenu différent pour autant? Oui. Et John Smith...s'en fiche, retournant sans protester sur son navire ( Ah, finalement, lui non plus n'est pas celui  que je connais).

Et Pocahontas de courir rejoindre John Rolfe sur son bateau qui retourne en Virginie (et bien que là encore la Pocahontas historique n'aie jamais revu son pays). "Je serais une flamme dans ton cœur pour toujours?"  Tu parles, oui...impossible de revoir le premier film après ça sans avoir cette pensée parasite en tête.


Sans parler de leur duo: "Seul(e)  pour toujours si je ne t'avais connu(e)!" ou "Jamais je ne renierai notre histoire!" Ben...

Et je ne parle même pas de la réputation de Pocahontas. Linksthesun disait non sans raison que cette suite la faisait passer pour une "s****e de bas-étage".

 (à 18'49)


Pourtant je sais que des gens ont aimé Pocahontas II, soit qu'ils aient trouvé ça "novateur " ou "audacieux" , soit qu'ils préféraient le personnage de John Rolfe. Mais ils constituent l'exception de la règle qui fait de cette suite (celles- ci étant déjà controversées) l'une des plus détestées des fans.

Ce n'est pas comme si un couple "tiède" s'était vu séparé, non, on parlait d'équivalents à Roméo et Juliette, désormais bien peu crédibles. Et comme toutes les suites foireuses les informations de ce film allaient polluer les wikis et autres sources d'informations sur la Pocahontas de Disney devenue pour toujours "la femme de John Rolfe" (aucune autre séquelle n'étant venue rectifier le tir) .

Dieu merci, ce mépris quasi universel est depuis remonté jusqu'à Disney-en quelque sorte. Pocahontas est depuis 2010 dans la "bande" des princesses officielles. Son merchandising a suivi en conséquence.


C'est à dire que non seulement c'est John Smith qui s'est vu intégrer aux "Disney Princes" ce jour-là mais vous ne trouverez nulle trace de Rolfe sauf dans son propre film; il a toujours été totalement absent des produits dérivés et des parcs depuis 1998 et il y a fort à parier que le grand public l'a oublié. C'est toujours John Smith qui est fabriqué en poupée ou représenté en face character dans les parcs Disney auprès de sa dulcinée.





J'ai déjà dit à la fin de cet article tout le mal que je pense de la séparation des couples mythiques; sur ce point, Disney semble vouloir rattraper sa gaffe via la merchandising; j'ai même fait un dessin explicatif à ce propos.






La seule chose de Pocahontas II qui traîne parfois dans les produits dérivés est une illustration de la princesse dans sa robe de bal (sans sa coiffure ridicule heureusement).




(Au milieu de la rivière, encore un duo coupé au montage et qui a aussi refait surface depuis)








Tara Duncan, surnommée "La petite sœur française d'Harry Potter" est un cas d'école de bien des pièges d'écriture; en tout cas les romans contiennent ce trope dans toute sa gloire.















L'histoire tourne autour de la découverte des pouvoirs magiques de Tara (d'où le lien avec Harry Potter) et le fait qu'elle appartienne à la planète (magique aussi) d'Autremonde. Parmi les amis qu'elle s'y fait, le demi-elfe Robin M'angil, décrit beau comme un dieu, qui montre de l'attirance envers Tara dès le premier tome alors qu'ils n'ont que douze ans dans celui-ci.



Pour être honnête, être amoureux de Tara n'est pas très original puisque tous les garçons de moins de vingt ans des douze tomes le seront à un moment ou à autre. Excepté ses deux autres amis masculins Fabrice et Cal le voleur, le premier préférant leur amie Moineau et le second la voleuse Eléanor.




















En outre, un sortilège de "charme-personne" sur Tara depuis sa naissance aide grandement.  Toutefois, deux y ont réchappé, et c'était alors heureux car on a toujours besoin de gens qui gardent la tête sur les épaules.

C'était, car pour commencer, Eléanor décède et c'est Mara, la sœur de Tara, qui paraît alors avoir de l'intérêt pour Cal. La relation de Robin et Tara était devenue alors suffisamment sérieuse pour qu'ils parlent, fait rare dans un livre pour enfants, d'avoir des relations sexuelles -et avant l'âge de quinze ans, toutefois sans le faire.

Une inter-dépendance assez forte se montrait (Tara prête à se battre à mort contre l'elfe féminine qui voulait le lui piquer, des conversations interminables par boule de cristal interposée, etc). En tout cas bien plus surlignée à gros traits que pour les couples d' Harry Potter justement. Robin, pendant ce temps-là n'avait rien a se reprocher, il avait tout du prince charmant.



Jusqu'au tome 7 ( L'Invasion fantôme) où Tara commet l'égoïste sacrilège de vouloir ressusciter feu son père (qu' elle n'a pourtant pas connu); sa formule consiste à ouvrir la porte de l'au-delà mais celle-ci libère toute une armada de fantômes qui tuent Robin.  Les vivants sont possédés par les fantômes désireux de se retrouver un corps. Mais pas Tara: Cal a juste le temps de la traîner dans une pièce hermétique du château ( néanmoins approvisionnée).

 Et... vous rappelez-vous la dépression de Bella au début du second tome de Twilight? On  l'a décrite très exagérée, mais au fond le livre se contentait de montrer quatre pages blanches (une par mois) ou Bella assise immobile dans un fauteuil (et avec un sommeil agité) alors que les saisons changent, dans le film, exprimant  de façon muette sa détresse après le départ d'Edward.


Besoin d'un moniteur pour enfant la nuit? Bella ne pleure pas,elle, pourtant...


Bien que Twilight en lui-même  ne soit pas une référence,  mais ladite dépression semble sobre à côté de ce qui va suivre.





Comment Tara vit-elle le deuil de Robin? Elle pleure. Continuellement, du soir au matin, sans parler de quoi que ce soit, c' est décrit dans le détail.




Elle ne fait plus rien d'autre,  y compris se laver, se maquiller, et s'habiller, des tâches assurées sur elle par un élémentaire d'eau et sa changeline, une créature modifiant son apparence et pouvant devenir n'importe quel vêtement. Tara néglige aussi de manger (elle aurait pourtant été gourmande), Cal doit la forcer de temps à autre et c'est pourquoi elle le considère alors comme une nuisance qui "ne la laisse jamais tranquille"(sic) . Du coup Tara perd un poids considérable.




 Après plusieurs mois "larvaires" à pleurer sans bouger, sans manger, sans se laver seule, notre héroïne qui aura en cette occasion démontré la force de caractère et la dignité inhérentes à son sang royal (*sarcasme*) , est tirée de sa retraite.

Elle réalise alors l'ampleur de l'invasion fantomatique et rassemble suffisamment ses esprits pour vouloir réparer sa faute. Après être restée sur son chagrin égoïste si longtemps, la question lui vient à l'esprit pour la première fois.

Une machine létale pour son utilisateur est l 'unique moyen de chasser les fantômes, et se trouve en un pays lointain. Tara part en quête avec Angelica, une "garce en chef", et Sylver, un beau gosse ramassé en route.



Au départ, pas d'ambiguïté sur le fait que Tara songe au suicide en déclenchant la machine. Elle n'aspire encore qu' à retrouver Robin, et de nombreux  détails rappellent son hébétude. C'est une découverte de tous les instants que de se rappeler que la nourriture a un goût ou qu' on peut penser à autre chose qu'à son deuil.

 Le sort de "charme-personne" tenant toujours,  Sylver est évidemment très vite amoureux de Tara.  Celle-ci le connaît encore mal, ignorant notamment qu'il est le fils de son pire ennemi (et il est  en outre impossible de toucher Sylver à ce moment -là sans se blesser).



Pourtant, alors que le voyage touche au but, Tara envisage totalement du jour au lendemain  (alors que la veille encore elle en était toujours à "Je veux mourir à cause de Robin, ma vie n'a aucun sens") une nouvelle relation avec un presque étranger dont elle sait pour l'essentiel qu'il est encore plus beau que Robin, mais c'est ce qui compte.



Vous avez lu ça correctement: après l'incroyable comédie de son deuil qui fait paraître Bella Swan calme et digne en  comparaison, Tara pense à trahir la mémoire de Robin après quatre mois alors que sa dépression (et ses idées de suicide)  laissaient à croire qu'elle y tenait quelque peu.

Après quelques péripéties où la machine sera dérobée par le père d'Angelica qui la fera actionner à distance, Robin se révèle  ressuscité et fait irruption très exactement quand Sylver est redevenu "touchable" et que Tara est occupée à l'embrasser (pas sur la joue).


Va-t-elle s'excuser? Ou tout au moins se réjouir de le revoir, après avoir voulu mourir au point d'en être anorexique d'ailleurs? Ni l'un ni l'autre: Tara fait aussitôt la tête aux deux garçons, se réjouit de ce que sa tante impératrice juste dépossédée d'un fantôme la consigne dans sa chambre. Comme cela, elle n'a ni à revoir Robin ni à lui parler. Elle ne lâchera que cette explication lapidaire avant de se faire exiler sur Terre: "Tu étais mort!" Donc c'était permis d'embrasser le premier bellâtre venu. Peu importe que Tara elle-même était la cause de ladite mort (ce dont elle ne s'est pas excusée non plus).


Une amélioration semble surgir quand Tara est débarrassée de son "charme-personne" au début du tome huit et que Sylver préfère finalement avoir pour fiancée Fafnir, l'amie naine de Tara. Cette dernière est rappelée sur Autremonde (qu'alliez-vous imaginer) et en réalité il s'avère que Robin va  continuer à payer fort cher d'avoir eu l'outrecuidance de mourir, et de revenir qui plus est.




D’abord et dans cet ordre, débarque Archange, fils du roi des démons, qui est encore plus beau que Sylver (sérieusement? A ce stade ça devient dur à imaginer!), embrasse Tara devant Robin et lui demande sa main.




Qu'il n'aura pas: Tara décide de sortir avec Cal. Oui, vous avez encore une fois lu correctement: l'un des seuls garçons qui avait jusqu'alors résisté à son charme-personne,  le comic-relief local, celui-là même qui "ne la laissait pas tranquille" avec ses pensées suicidaires, qu'on peut considérer comme un ami proche de Robin, mais aucun des deux n'hésitera à le trahir. (et aussi à retirer tout espoir à la propre sœur de Tara.)

Bigre! Robin cachait-il un quelconque vice? Même pas. A titre de comparaison, un couple "bêta", constitué de Fabrice et Moineau, se séparera (deux fois) avant de néanmoins finir à nouveau ensemble dans l'antépénultième tome (dix). En dépit du fait que Fabrice aie trahi, abandonné et même torturé de ses mains sa petite amie, le tout volontairement.


Robin...était juste parfait et gentil. Ça laisse songeur sur la morale de l'histoire: "Hé les gars, soyez mauvais garçon avec votre copine, vous ne serez pas jeté en faveur de votre meilleur ami, vous au moins!"

Aucune idée de qui a pu faire aboutir à cette conclusion, excepté peut-être l’adaptation animée (qui n'avait guère en commun avec les livres que les noms des personnages pourtant): influence, vu que Cal y apparaissait plus souvent que Robin?

Que les noms, je vous dit. Vouloir s'en inspirer ça allait forcément aboutir à la caractérisation qui déraille sérieusement.


La preuve,  avec Moineau aussi, le seul autre personnage régulier...Bref...
Où est le souci  du coup? Et bien, outre le fameux problème de morale,Tara est censée rester une héroïne sympathique après tout ça (alors qu'en fait elle ressemble à...voir le qualificatif employé plus haut par Linksthesun pour Pocahontas). Je doute fortement, vu la maladresse avec laquelle tout ceci a été amené, que c'était prévu depuis le début. La vraie raison? Elle est une Mary Sue de compétition, et fut répertoriée comme telle sur l'article français de Wikipédia avant sa révision. Donc, si vous ne voulez pas tomber dans cet autre piège grossier d'écriture: non, on ne rejette pas un petit ami ressuscité s'il était un bon petit ami, c'est la base de la politesse (et être polie c'est la base quand on est une princesse). Vous voulez que votre personnage continue d'être apprécié après ça? Mauvaise nouvelle, vous avez pondu une Sue, votre argument n'est pas valide.











Troisième exemple déplorable, celui de la Caverne de la Rose d'or, bien qu'il n'implique pas la mort mais la séparation par mondes parallèles à titre de variante. Cette série de téléfilms jadis diffusés sur M6 semble avoir ici l'excuse de l'acteur indisponible, mais alors: qu'est ce qui vous force à filmer une suite si quelqu'un d'essentiel n'est pas présent? Rien, donc pas vraiment valide là non plus.
















Les quatre premiers épisodes étaient kitsch mais émouvants. Le premier s'inspirait du conte d'Italo Calvino Fanta-ghiro la belle. Fantaghiro est la princesse rebelle d'un pays en guerre avec le royaume du prince Romualdo. C'est leur amour qui mettra fin au conflit (le tout étant dans le matériau d'origine.) Fantaghiro aura dans les suites le plus grand respect pour le grand amour (qui n'est jamais ridicule, selon ses propres termes) qu'elle a avec Romulado.


Rien ne leur sera épargné, de Romulado hypnotisé par la reine noire (qui l'envoie tuer Fantaghiro), changé en statue ou en nain hideux qu'elle devra oser épouser sous cette forme.


Mais il reviendra toujours à sa forme première, et à Fantaghiro qui de son côté ne sera même pas tentée par le séduisant mage Tarabas, pourtant épris d'elle. Sagement Tarabas préférera finalement la princesse Angélique.







Le tout constituant deux des fantasmes les plus communs des fillettes des 90's. Rawr.


Kim Rossi Stuart, l'interprète de Romulado, semblait difficile à avoir sur le plateau à partir du troisième film: il n'apparaît qu'au début du 3 et du 4, d'où ses métamorphoses en pierre ou nain pour expliquer ses absences.

Finalement le 5 (1996) est sans lui, et sans presque personne d'autre que Fantaghiro elle-même d'ailleurs. Une sorte de petite mandragore réalisant les vœux est employée par une bande d'enfants dans un monde parallèle, qui ont besoin d'un guerrier qui les sauvera d'un ogre. La plante amène Fantaghiro, mais ne peut faire le chemin inverse. La mandragore n'a plus de feuilles, indispensables pour un vœu.

Fantaghiro est rongée par la tristesse à l'idée de ne jamais revoir les siens (Romualdo est explicitement cité dans un flash-back). Après tout, qu'elle se trouve dans  un univers parallèle, c'est comme si elle était morte pour eux, non? La sorcière qui a recueilli les enfants croit pouvoir l'aider en usant de petites créatures appelées "suce-mémoire". Fantaghiro ayant perdu ses souvenirs gagne la motivation à combattre et vaincre  l'ogre, avec l'aide d'un bandit de grand chemin sorti de nulle part, Ariès. Astéria, une fillette peinée par la perte subie par Fantaghiro, plante la mandragore magique  en terre pour refaire pousser ses feuilles.

Première solution, si l'on puis dire. Et seconde, la sorcière laisse ses sangsues "suce-mémoire" restaurer les souvenirs de Fantaghiro. Puis Astéria accourt avec la plante qui a bel et bien de nouvelles feuilles, pour permettre à Fantaghiro de retrouver son univers d'origine. On croit voir venir la fin.
Et bien...Pas du tout. Fantaghiro explique à Ariès qu'elle a retrouvé ses anciens souvenirs, mais ne compte pas moins "tenir compte des nouveaux"(sic), sans plus d'explications ou de développement.  Astéria entendant cela jette la plante sans dire qu'on aurait pu l'utiliser à nouveau, et Fantaghiro embrasse Ariès.



Et c'est tout. Fin, y'a rien d'autre à voir, reste avec ça, spectateur. D'autres épisodes auraient été envisagés, mais la fin abrupte restera finalement celle-ci, où Fantaghirò échange son "grand amour" digne des contes de fées (qu'il est, d'ailleurs) et son prince charmant pour un brigand Dom Juan des bacs à sables qu'elle connaît à peine (90 minutes de développement à son actif, à comparer aux six heures  de programme de Romulado). Et qui ne tient pas la comparaison avec Tarabas non plus, persifleront quelques-uns. Tout en balançant par la fenêtre, pour lui, toute possibilité de revoir son père, ses sœurs, et coupant ses responsabilités vis à vis de son royaume aussi. (dont elle était devenue la reine)  Encore une fois, quel exemple!

Disons que laisser Fantaghiro avec une telle caractérisation allait lui coûter cher: le cinquième épisode fut un échec et je ne connais pratiquement personne qui l'aie aimé. Que Kim Rossi Stuart aie été indisponible, soit, mais qu'est ce qui forçait à donner à Fantaghiro un nouveau love interest? Parfois, mieux vaut le manque plutôt que l'insulte, croyez moi! Dieu que Fantaghiro semble peu digne de confiance après tout ceci.

Lamberto Bava, réalisateur des premiers épisodes, devait exprimer ses regrets sur ce point dans le commentaire des DVD tandis que le scénariste  Gianni Romoli situe la vraie fin à celle du quatrième épisode comme bien des fans (voir Wikipédia).

Une série d'animation commencera en 1999 et reverra  Fantaghiro avec Romulado, fallait pas exagérer non plus...


Un "fossé des fans" voilà ce qu'on gagne le plus souvent. Et pour quoi? Ayant dû céder à la pression des pairs, à l'influence du monde extérieur, à l'agenda de comédiens? Bien des mauvaises raisons finalement. Cela aboutit toujours à faire sembler le personnage principal un parfait mufle, et être naïf au point de croire qu'il va s'en tirer au point de rester toujours aussi populaire et sympathique à l'audience, c'est le fait des Mary-Sue.

Parfois, certains auteurs sentent instinctivement que seule la mort pourrait permettre à leur héros(oïne) de changer de copin(e) sans sembler un goujat. Ce qui est vrai. Dans Avatar le dernier maître de l'air, c'est tout en subtilité que Sokka passe de Yue à Suki puisque la première meurt et devient l'esprit de la lune, la seconde se montrant de nouveau durant la saison deux. Et Yue restera "dans la lune" , donc c'est légitime.








Vous trouvez trop dur de tuer un personnage important ? (pas si facile!)  Ne croyez pas éviter du chagrin au lecteur ou spectateur en faisant revenir ou ressusciter le soit-disant mort, si c'est pour découvrir que son/sa veuf/ve  s'en est consolé un peu trop vite et ne le/la reprendra pas: on trouvera presque toujours ce comportement ignoble si le premier love interest est quelqu'un de bien.




Si vous voulez changer un couple, oui, il est plus humain et plus digne pour tout le monde que la première "moitié" du couple meure pour de vrai. Et par pitié que le/la héros/oïne ne remarie pas au second love interest le lendemain! Le minimum syndical est de laisser passer  un peu de temps.


Non seulement Gwen Stacy n'est pas revenue depuis son décès (il n'y eut que de fausses alertes dues à des clones et des doubles parallèles), mais au moins Spider-man attendit 15 ans pour se marier.

Mais perdez le réflexe de changer les couples comme dit ici: ce n'est pas forcément si vendeur qu'on le dit de toute façon. Et cette manière d'en finir est à la fois la plus cruelle et la moins digne pour un héros ce qui explique qu'elle soit peu utilisée.



La fausse nouvelle de mort peut être un obstacle, mais ne doit  pas forcément finir de la sorte. Si Princess Bride est un film si génial, c'est entre autres parce que, quand Bouton d'or entend que son grand amour Westley est porté disparu après que le pirate Roberts "qui ne laisse pas de survivants" l'aie capturé, elle jure de plus jamais aimer. Certes cinq ans après, elle est contrainte d’accepter la demande en mariage du prince Humperdick mais ne l'aime pas pour autant.



Elle fait bien, Humperdick qui compte la tuer pour déclencher une guerre la fait capturer par trois hommes (Vizzini, Feyzzik et Inigo Montoya) vite pris en chasse par celui qui se présentera après l'avoir délivrée comme le pirate Roberts...ou plutôt de nom seulement, le pirate qui a capturé Westley lui a proposé de prendre sa succession et son nom après cinq ans. Autrement dit le pirate est Westley, vivant, et qui sait sans plus de détails que Bouton d'or est fiancée.




D'où ses reproches: il la croyait d'une fidélité exemplaire...( A -t-elle attendu une semaine par respect pour le défunt avant les fiançailles, demandera-t-il?) Mais la princesse explique comment elle a dû céder à un mariage arrangé. Le dialogue suivant est entré dans la légende:

-"Je t'avais dit que je reviendrais, pourquoi ne m'a tu pas attendu?
-Mais...Tu étais mort?
 -La mort n'arrête pas le grand amour. Il ne peut que le retarder un moment.
-Jamais plus je ne douterais."


Et c'est là, que la fausse nouvelle de décès pourra se mettre au service de votre couple mythique. A bon entendeur...













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